dimanche 10 novembre 2013

Lanselle et la Gretel

Mon nom de famille a-t-il un sens ?  Si oui, lequel ?  Comment a-t-il été acquis ?

Une première version m'a été donnée par un ami, il y a des décennies, lorsqu'il a acquis un dictionnaire des patronymes.  Selon son livre, Lanselle serait en rapport avec une bobine lançée dans l'opération des métiers à tisser: la navette.  C'est une hypothèse.  Mais alors, pourquoi 'lanselle' et non 'lanceur' ou 'lanceuse'? Et pourquoi, quoique je ne me posais pas encore la question, pourquoi une concentration régionale (nord et nord-est de la France, sud de la Belgique) ?

Par la suite, et par des sites Internet spécialisés en généalogie, noms et prénoms, ou les deux, j'ai découvert une étymologie plus probante : du latin ancilla, servante, par intégration de l'article 'l' devant.  En effet, on peut bien imaginer qu'avec tous les 'maître' et 'lemaître' il y aurait bon nombre de servants à nommer. 

Beaucoup de français --comme les gens d'autres pays--portent des noms déscriptifs de leur physique, leur origines géographiques ou familliales, leur station, profession, occupation.  On trouve des : veugle, laveugle, leborgne, malfait, petit (à ne pas confondre avec les petit-, fils de, tel petitjean par exemple), morel (teint de Maure).  Rajoutons les mentions de caractère, telles 'bonnet' (bon petit) ou 'lesage'.  D'autres portent des noms déscriptifs de leur station : lemaître, leclercq, collard, lecomte; ou leur occupation, tels parmentier (tailleur de vêtements), marechal (-ferrant).  Il y a ceux nommés pour un lieu : dupont, dupuis, delisle, courcelles.   J'en connais même nommés 'parent', alors pourquoi pas 'lancelle' ou 'lancel', le (ou la) servant ?

Pourtant, j'ai une objection à cette hypothèse, et une hypothèse alternative à proposer.  Et une objection ancillaire : ces sources (gratuites et racolleuses, surtout) ne citent pas leurs références ou preuves, pourquoi les croire ?

D'abord, mon objection principale : pourquoi un matronyme ?  Quel autre nom de famille dans ce pays (nord et nord-est de la France, sud de la Belgique) est un matronyme ?  Trop exceptionnel, à mon avis, de donner un tel nom en nom de famille. Et je ne trouve pas de références lexicographiques ou litteraires de l'emploi de l'ancel ou l'ansel au masculin : pas de servants, que des servantes.  D'ailleurs, le patronyme 'Servant' existe, à quoi bon rajouter "Lancelle" (au feminin) pour un patronyme?

En revanche, on trouve beaucoup de noms dérivés de prénoms masculins (d'un père ou d'un ancètre paternel), tel Adam et Ladam, Meurisse (Maurice), Flippo (Philippe), Colin (Nicolas).  D'où mon idée que les prénoms Hansel, Ancel, Ansel, Anselme sont à l'origine de 'Lanselle' et 'Lancelle' et 'Lancel'.  Autrement dit, 'Lanselle' serait issu de ces noms comme Ladam l'est de Adam.  Si plus particulièrement il est issu du prénom 'Ansel' ou 'Hansel' cela expliquerait la concentration dans les régions plus proches des pays germanophones.

C'est une hypothèse (la mienne).  Maintenant il faut bâtir un plan de recherches pour essayer de remonter aux origines du nom. 

Au passage, j'ai lu sur Wikipédia que "Hansel et Gretel" serait "Jeannot et Margot" en français.  'Lanselle' se transformerait en 'Lejeannot' pour être plus français ?  Allons savoir...

vendredi 8 novembre 2013

'Intravagance' une Extravagance? Extraordinaire ou Intraordinaire ?

Dans le mot 'extravagant' il y a bien extra- n'est-ce pas ? Il ne s'agit pas d'une coîncidence de lettres qui ressemble à un sémème--un élément formant-- sans l'être ? Non, le mot est, selon le portail lexicale du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales :
Empr. au lat. scolastique extravagans qualifiant d'abord les constitutions pontificales ne faisant pas partie des décrétales (cf. Du Cange et Nierm.), composé du lat. extra (v. extra-) et du part. prés. vagans de vagari « errer ».
Et, suivant leur référence '(v. extra-)', il marque l'extériorité, ce qui semble cohérent avec l'autre partie du mot signifiant errer. Mais extra- s'emploie aussi pour exprimer des superlatifs. L'emploi en élément formant est explicité plus loin:
  • II.− La base est un élément formateur de verbes ou de subst. d'action ou un subst. désignant un procès.
    • A.− Extra- signifie « hors des limites » ou « vers l'extérieur ».
      • 1. [Le composé est un verbe.] V. extrapoler, extravaguer, extravertir (s').
      • 2. [Le composé est un subst. exprimant un procès.] V. extrapolation, extravasation (et var. extravasion, extravasement), extraversion.
      • 3. [Le composé est un adj. participial (et qui, substantivé, désigne la pers.)] V. extravagant, extraverti.
      Rem. L'enracinement dans la lang. de introspection, introverti explique la forme extro- du préf. dans extrospection* et les var. extroversion, extroverti de extraversion, extraverti.
    • B.− La base est un subst. Le composé est un subst. désignant un processus parasitaire (qui se produit en dehors et en plus). V. extra-courant, extra-systole
    • etc.

C'est l'alinéa 1. du paragraphe A. qui inspire la question : à extrapoler répond interpoler, à extraverti (ou extroverti, cf. remarque ci-dessus) répond introverti, alors quel est le répondant de extravaguer ? La balance ontologique nous réclame intravagance bien sûr ! Serait-ce une extravagance de créer ce mot? Et intraordinaire tant qu'on y est. Dans les deux cas, le sens ajouté serait "bien à l'intérieur, pas à la marge."

Suites et Remarques

Antériorité

Je constate que d'autres ont eu cette idée avant moi. Par exemple, Géraldyne Prévot-Gigant (psycothérapeute) fournit en citation :
« Méditer, ce n’est pas seulement remplacer les divagations extérieures du mental par les mêmes à l’intérieur : passer de l’extravagance à l’ « intravagance ». Méditer, c’est se poser au-dedans, c’est laisser l’oiseau de l’âme se nicher sous le toit du cœur. » Dr Jacques Vigne

Antériorité mais...

Le photographe PsykoMarvin nous propose l'oeuvre intravagance qui ne correspond pas à mon idée du sens du mot : plutôt une extravagance intramurale. Mais il a utilisé le terme avant moi.