Depuis son court séjour à Bercy, Nicolas Sarkozy semble être persuadé que les français paient leur consommations courantes (alimentaire, droguerie, et cetera) trop cher à cause des règles du jeu dans les relations industrie-commerce. Puisque l'étude d'une nouvelle loi (ou même plusieurs) est actuellement en cours, on entend beaucoup de choses à ce sujet. Je ne peux pas dire tout ce que je sais sur ce sujet (c'est la propriété intellectuel d'un ancien employeur) mais je crois quand même avoir des choses à dire.
D'abord, une évidence: qui perdra (payera, rendra...terme au choix) pour financer une baisse des prix n'est jamais évoqué. Alors, qui? Si personne, changer la loi n'a aucun intérêt. Prenons, par exemple, la prestation de M. Michel-Edouard Leclerc dans l'émission "Duel" de Christine Ockrent ("
Hausse des prix: les supermarchés en cause?", 7 octobre 2007). Il a dit que Galec (centrale d'achats des centres Leclerc) perçoit des remises que la loi l'empêche d'utiliser pour baisser les prix de vente (ce qui est vrai); mais a-t-il dit qu'ils veulent avoir des magasins moins rentable au profit des consommateurs? Je sais ce que je n'ai pas entendu.
Dans le Monde du 30 octobre (
Les relations entre fournisseurs et distributeurs français restent un cas unique en Europe) on nous "informe":
Au Royaume-Uni, le distributeur est roi. "La véritable négociabilité n'existe qu'en Grande-Bretagne. Ailleurs, je publie des tarifs uniques. S'il y a une exception, elle n'est pas française mais anglaise, contrairement à ce que disent pouvoirs publics et clients", confirme un professionnel.
La raison de cette situation inverse de celle de la France est le poids énorme de la grande distribution : quatre chaînes - Tesco, Sainsbury, Morrison et Asda - contrôlent 75 % de l'alimentation.
En France, c'est différent? Les distributeurs sont plus petits et plus dociles? Pourtant, dans le Monde Diplomatique il y a cinq ans (Racket dans la grande distribution "à la française"), on cite LSA (qui cite Sécodip) :
90 % du marché alimentaire français sont entre les mains de cinq centrales d’achat : Carrefour en détient 26,2 % ; Lucie, la centrale commune à Leclerc et à Système U, 23,8 % ; Opéra, la centrale commune à Casino, Cora, Franprix, Leader Price et Monoprix-Prisunic, 15,7 % ; Intermarché 14,4 % et Auchan 12,9 %. Source : référenseigne Sécodip, cité par LSA (groupe Usine nouvelle) no 1746, 22 novembre 2001.
Or, même si Opéra n'existe plus, les quatre autres font plus de 75%! Si Leclerc a du mou dans ces marges arrières, ce n'est certainement pas parce que le distributeur français est moins roi que le distributeur anglais.
MàJ : J'ai trop trainé en rédigeant ce billet -- Luc Chatel a accouché hier de son projet de loi. La Tribune racconte son contenu (celui du projet de loi, pas celui de Luc Chatel, évidemment) dans
Le gouvernement lance son projet de loi sur la distribution . En gros, il donnerait carte blanche au distributeurs pour utiliser toute remise extorquée du fournisseur pour baisser le prix de vente; en revanche, ils ne sont obligés de répercuter quoi que se soit. Bien sûr les distributeurs cachent leur joie et dise "ce n'est pas assez, fallait aller plus loin."
Je note avec satisfaction que je ne suis pas seul à dire qu'on a mal posée la question de "qui va payer les baisses de prix (éventuelles):
De son côté, l'UPA, syndicat patronal des artisans, a dénoncé "l'imposture" consistant à "faire croire que la grande distribution va 'rendre aux consommateurs' les dizaines de milliards d'euros de marges arrière qu'elle recueille chaque année".
J'en conclus ce qu'on ne dit pas : pour baisser les prix consommateur, il faut aider les distributeurs à extorquer plus des fournisseurs, et croire qu'il partageront leurs gains en baissant un peu leurs prix. Quand j'achète du vin moins cher que le coût de production et les vignerons en faillite et touchant les RMI), des fruits et légumes vendus quatre ou cinq fois le prix au producteur, et du café dont le prix ne baisse pas avec les cours, je suis sceptique.
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